Sunday, December 09, 2018

Domenico Lucano forced to leave Riace

The sympathetic mayor of Riace in Calabria, Domenico Lucano, whom I have seen once in a documentary and impressed me because of his human and solidary approach to refugees, receiving and helping them in the little town Riace in Calabria of which he is the mayor, has been forced by Italian authorities to leave his town and the refugees he had received so warmly. 
A reportage by Benedicte Magnier in the French edition of the Huffington Post.


INTERNATIONAL
10/12/2018 04:42 CET | Actualisé il y a 3 heures

Le village pro-migrants de Riace à l'arrêt depuis l'exil forcé de son maire

La justice italienne a suspendu Domenico Lucano de ses fonctions et l'interdit de retourner dans sa commune. 


INTERNATIONAL - Pour Domenico Lucano, "aucun être humain ne devrait être considéré comme clandestin". Mais depuis son exil forcé de Riace, le village calabrais dont il est maire, "Mimmo" (comme le surnomment les Riacesi) voit son projet pro-migrants se déliter, comme vous pouvez le voir dans la vidéo en tête d'article - https://youtu.be/Fn_uQMct464
Nous nous sommes rendus à Riace, petite bourgade d'un peu plus d'un millier d'habitants, dans le sud de l'Italie. L'un des endroits où les migrants foulent pour la première fois le sol européen, lorsqu'ils réussissent leur dangereuse traversée de la Méditerranée. Nous nous sommes promené dans les ruelles désormais désertes (encore plus à l'heure du déjeuner), car les migrants qui repeuplaient ce village moribond sont, en majorité, partis.
Nous avons rencontré Tony, un jeune ghanéen avec femme et enfant, arrivé il y a déjà neuf mois. Il n'a jamais réussi à obtenir un travail via le SPRAR (Système de Protection des Demandeurs d'asile et des Réfugiés, un centre d'accueil). Et depuis le départ de Mimmo, c'est encore pire puisque le SPRAR a totalement fermé. L'Italie va le diriger vers un nouvel endroit, car à Riace, le temps s'est arrêté.
Pour Vincenzo, jeune diplômé en histoire de l'art et enseignant improvisé pour les migrants, le projet pro-migrants de Domenico Lucano ne peut plus fonctionner en l'état, et la situation s'est tendue pour la communauté.

2016: le début des ennuis judiciaires pour Mimmo Lucano

Ce projet prend ses racines en 1998, lorsque qu'un navire rempli de Kurdes échoue sur les côtes calabraises de Riace. Le village, typique du sud de l'Italie, sinistré par un fort taux de chômage et l'exode rural, est quasi à l'abandon, avec quelques centaines d'habitants seulement. Mimmo, déjà engagé dans l'humanitaire, décide d'accueillir ces familles Kurdes et de les intégrer à la vie de Riace en leur proposant un emploi et en réhabilitant les bâtisses vétustes pour les loger.
Il monte son association, Città Futura, pour continuer son ébauche d'un nouveau village, et les migrants qui affluent, de plus en plus nombreux sur les côtes sont bien accueillis à Riace. Le système est financé en partie par le SPRAR et les nouveaux arrivants bénéficient ainsi d'une petite rétribution de 35€ par jour, pour se payer de quoi se vêtir et se nourrir.
Domenico Lucano devient maire du village en 2004. Grâce aux migrants, l'activité reprend au village, et les habitants reviennent. Quelques années plus tard, ils sont 1600, dont 400 migrants. Son système d'accueil, basé sur l'entraide, permet au village de conserver des services comme l'école mais aussi de créer des potagers éducatifs pour apprendre aux migrants et aux jeunes riacesi la culture des légumes et l'élevage, un moulin à huile ou un centre de santé gratuit.

Cependant, Mimmo Lucano a maille à partir avec la justice dès le début de l'année 2016. Parmi les faits qui lui sont reprochés, des soupçons de mariage blanc entre une Nigériane et un habitant de Riace, mais aussi l'attribution des financements pour le ramassage des ordures à une coopérative employant des migrants et des Riacesi (pour une collecte des déchets à dos d'âne). La justice lui reproche de ne pas avoir respecté les règles d'attribution du marché. "Des règles qui n'existaient pas à l'époque", se défend Domenico Lucano. Car dans le sud de l'Italie, la collecte des déchets est un marché très juteux et convoité, souvent contrôlé par le crime organisé.
La justice italienne commence à montrer des signes de mécontentement. Le gouvernement aussi. Ainsi, les subventions italiennes et européennes distribuées au village et à l'association baissent drastiquement. Les familles dépendantes du SPRAR n'ont plus que 21€ pour vivre.
Tout s'est accéléré au mois d'octobre 2018, alors que le système de ce modèle pro-migrants commençait à s'essouffler. Le 2 octobre, Domenico Lucano est placé aux arrêts domiciliaires et ne peut plus quitter son logement. 15 jours plus tard, il est suspendu de son mandat de maire et est condamné à l'exil. Il vit désormais dans le village voisin, Caulonia, où nous sommes allés le rencontrer, mais ne peut pas retourner dans son village.
Le 14 octobre, Matteo Salvini, ministre de l'Intérieur d'extrême droite et défenseur d'une politique anti-migrants avait ordonné l'évacuation des migrants installés à Riace, vers d'autres centres d'accueil pour migrants.
De nombreux réfugiés ont donc quitté Riace. Désormais, le village est à l'arrêt. Les rues se sont vidées et il n'y a plus personne dans le potager. Ils seraient un peu moins d'une centaine, mais les difficultés pour manger sont de plus en plus nombreuses, car l'association ne peut plus faire face à la demande, gérée avec les moyens du bord depuis l'arrêt des dotations il y a deux ans. Dans les rues, il n'est pas rare d'entendre certains d'entre eux interpeller des bénévoles pour réclamer un repas.
Pour Vincenzo, le modèle Riace n'est pas terminé, mais il devra se réinventer. Domenico Lucano, qui devrait finir son mandat de maire en juin 2019, espère pouvoir retrouver son poste pour les derniers mois qui lui restent à faire. Il ne pourra pas se représenter ensuite, car c'est déjà son deuxième mandat.
Mais le gouvernement italien, dirigé par le Mouvement 5 étoiles et La Ligue (l'extrême droite italienne) semble avoir fait de lui sa bête noire. Le 14 octobre, Matteo Salvini, ministre de l'Intérieur d'extrême droite et défenseur d'une politique anti-migrants avait ordonné l'évacuation des migrants installés à Riace, vers d'autres centres d'accueil pour migrants.
À peine nommé ministre, Salvini avait qualifié Domenico Lucano de "zéro". Ce à quoi Mimmo avait répondu: "Fier d'aider les derniers".

0 Comments:

Post a Comment

<< Home